La transition énergétique promise s’avère non seulement laborieuse et coûteuse, mais elle risque, en plus, de générer des dégâts considérables dans l’environnement. On va remplacer notre dépendance aux gisements d’hydrocarbures par une dépendance aux mines de métaux rares (et moins rares). C’est comme cela qu’on compte soulager la planète ?
On commence à s’en rendre compte à nos dépens, la fameuse transition éco-énergétique va nous coûter bonbon, aussi bien en investissements qu’en pollution et en ressources. L’Europe a approuvé la fin des ventes de voitures thermiques en 2035. Le chemin vers la neutralité carbone en 2050 suppose la disparition des énergies fossiles et, simultanément, l’explosion des énergies renouvelables (solaire, éolienne et hydraulique).
Sommaire
Les métaux sont partout
Ce « grand remplacement » pose de nombreux défis, à commencer par l’approvisionnement en métaux. Le boom promis des énergies renouvelables et l’avènement annoncé du véhicule électrique vont considérablement augmenter les besoins en métaux : aluminium (notamment la bauxite), cobalt, cuivre, fer, plomb, lithium, nickel, métaux du groupe du platine, terres rares (cadmium, molybdène, néodyme et indium), argent, acier, titane et zinc.
Les métaux rares et les métaux plus communs sont partout : dans les batteries, les composants électriques, les puces électroniques, les structures d’éoliennes, les panneaux photovoltaïques, les smartphones, les écrans, les ordinateurs, les objets connectés, etc.
Ainsi, une batterie pour un véhicule électrique de taille moyenne nécessite des métaux communs (35 kg de nickel, 20 kg de manganèse…), mais aussi des quantités importantes de métaux rares (14 kg de cobalt, 8 kg de lithium…). Par ailleurs, les stations de rechargement nécessitent énormément de cuivre. On peut faire le même constat pour les panneaux solaires (cuivre, silicone, argent et zinc) ou les éoliennes (minerai de fer, cuivre, aluminium).
Indispensables aux technos du futur
Le journaliste et expert Guillaume Pitron explique dans son ouvrage La guerre des métaux rares : La face cachée de la transition énergétique et numérique qu’il s’agit de métaux mélangés à des métaux abondants dans la croûte terrestre dans des proportions souvent infimes. Ces métaux représentent de très faibles productions annuelles (par exemple, la production annuelle de gallium est 25 000 fois plus faible que celle du cuivre). Ces métaux rares sont aussi extrêmement chers : le germanium coûte 90 000 fois plus cher que le fer.
Si les métaux rares sont si convoités, c’est qu’ils ont souvent des propriétés exceptionnelles, comme la capacité de moduler les flux d’électricité transitant dans les appareils numériques. Ils permettent ainsi de générer une énergie « propre ». Cela explique que ces métaux très spéciaux soient largement utilisés dans les nouvelles technologies « vertes » (voitures électriques et hybrides, panneaux solaires, éoliennes) et numériques (smartphones, écrans plats, ordinateurs, objets connectés, etc. L’économie du futur dépend donc largement de ces éléments-là.
Métaux rares et métaux communs : pénuries à l’horizon
Les métaux rares (cobalt, lithium, platine, titane, etc.) mais aussi les métaux communs (fer, cuivre, nickel, aluminium, plomb, zinc, etc.) sont déjà tous sous tensions. Les mines et les sites de raffinage sont aujourd’hui utilisés au maximum de leur capacité.
Pour exploiter de nouvelles ressources, les besoins d’investissement seront non seulement massifs, mais uniquement rentables à très long terme. Il faut au moins 10 ans pour lancer l’exploitation d’une nouvelle mine de cuivre. Pas étonnant que l’exploitation minière souffre d’un manque de financement, le secteur affichant des performances désastreuses pour l’environnement.
Comme si le tableau n’était suffisamment sombre : la majorité des ressources sont contrôlées par la Russie ou la Chine, ce qui va rendre le nouvel équilibre géostratégique particulièrement périlleux pour l’Europe. En plus, certains métaux sont produits dans des pays considérés « à risque » sur le plan politique ou climatique. Ainsi, 70 % de la production de cobalt se situe en République Démocratique du Congo, et 30 % du cuivre provient du Chili…
Plus vert… mais surtout plus polluant !
Les métaux rares sont indispensables pour l’avènement d’un monde « plus vert », et ont paradoxalement un coût écologique considérable. Les procédés utilisés pour leur extraction et leur raffinage sont extrêmement polluants. À l’échelle planétaire, les énergies vertes n’aboutissent par conséquent qu’à une délocalisation de la pollution. À l’échelle européenne, nous sommes en train de substituer notre dépendance aux hydrocarbures par une dépendance aux métaux rares.
Il n’y en aura pas pour tout le monde ! La transition énergétique va se heurter rapidement au problème de la raréfaction des métaux. La consommation mondiale de métaux progresse à un rythme annuel de 3 à 5 %, de nombreux métaux rares seront donc épuisés à court ou moyen terme.
La production de métaux sera insuffisante pour satisfaire les besoins de la transition énergétique. Certains spécialistes anticipent déjà un déficit de 60 % pour le cobalt, le nickel, le vanadium et le graphite. En attendant, l’économie mondiale reste accro aux énergies fossiles.